Spleen
 

Chanson - Victor HUGO
Une allée du Luxembourg - Gérard de Nerval
Le dormeur du val - Arthur RIMBAUD
La terre est bleue - Paul ELUARD
Paysages et poèmes par erreur - Sylvie Goutte Baron
 Chanson d'automne - Paul VERLAINE
Harmonie du soir - Charles BAUDELAIRE
Le poète et la foule - Théophile GAUTIER
 
Le cancre - Jacques PRÉVERT
Spleen - Charles BAUDELAIRE
Le pont Mirabeau - APOLLINAIRE
La chanson du Mal-aimé - APOLLINAIRE



Baudelaire, Les fleurs du mal   LXXVIII.

Spleen

Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits;

Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide 
Et se cognant la tête à des plafonds pourris;

Quand la pluie étalant ses immenses traînées 
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

Des cloches tout à coup sautent avec furie 
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

-Et de longs corbillards, sans tambours ni musique, 
Défilent lentement dans mon âme; l'Espoir, 
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.